Le libre: un moyen ou une fin?
Rédigé par Xavier - -
La communauté Linux voit régulièrement la naissance de trolls monstrueux à propos des logiciels libres. Le libre est-il un simple moyen de parvenir à la perfection, ou est-il une idéologie?

Le cas ubuntu
Le débat est très présent sur internet lorsque l’on parle de Ubuntu, la fameuse distribution Linux qui attire de plus en plus d’utilisateurs au prix de méthodes qui font grincer les dents des défenseurs du libre.
Cette approche pragmatique de la part de Canonical séduit beaucoup les utilisateurs et entreprises: *Linux* a enfin une personnalité, un thème en couleurs, une grande communauté, une unification, et surtout un marché via les services ou logiciels payants.
Ubuntu viole-t-elle la licence libre? Pas du tout. Intégration de mono dans le système? Pas de problèmes, mono est libre. La connexion au service propriétaire Ubuntu One? Là aussi aucun problème, la licence libre autorise tout usage d’un logiciel, on a donc le droit de se connecter à un réseau propriétaire. L'ajout de logiciels payants et propriétaires dans le centre logiciels? On en revient également au point précédent, il n’est pas interdit d’acheter et d’utiliser des logiciels propriétaires sur un système libre. Lorsque l’on a compris cela on élimine déjà une bonne partie des critiques.
On reproche ensuite à Canonical de ne pas contribuer suffisamment au projet Gnome et au noyau Linux, en comparaison de leurs moyens. Le nombre massif et croissant d’utilisateurs débutants ne rend pas service à la communauté. Là je réponds que c’est un manque de vision à long terme. Il suffit de parcourir les forums Linux (toutes distributions) pour constater qu’énormément de personnes ayant commencé sur ubuntu ont ensuite migré sur Archlinux, Debian, Fedora, et soutiennent le libre en faisant de la promotion, des rapports de bug, voire même des corrections. Ubuntu est une porte d’entrée pour alimenter la communauté des logiciels libres.
Le fait de s’isoler dans une communauté extrémiste-libriste n’est donc pas une bonne idée, car un logiciel non fonctionnel, non attrayant mais libre n’intéressera pas les nouveaux utilisateurs. Prenons pour exemple le projet HURD. Techniquement il y a peu de choses à critiquer, son concept rare de micro-noyaux pourrait donner un résultat intéressant. Malheureusement le projet n’avance pas depuis 20 ans, et pour cause: cela n’intéresse personne. Une petite communauté libriste (pourtant menée par LE gourou des logiciels libres) n’est pas capable de mener à terme le développement d’un projet. Il faudrait pour cela le rendre attrayant, attirer de nouveaux utilisateurs, obtenir le soutien d’entreprises, tout comme Linus Torvalds a fait avec son noyau. Et pour cela il faut s’ouvrir l’esprit, accepter les utilisateurs qui ne vont pas contribuer, accepter que l’on puisse inclure des blobs propriétaires dans le code (du moment que l’utilisateur final est averti et consentant). Le libre doit être un moyen d’obtenir la perfection, la performance, la séduction, et non une idéologie politique extrémiste, nuisible pour le produit en lui-même.
N’oublions pas le but premier de l’informatique: être un outil au service de l’utilisateur! Il doit être fonctionnel, et surtout apporter une valeur ajoutée. Acheter un ordinateur pour l’utiliser à 20% de ses capacités est une perte d’argent et de temps.
Le refus d'accepter le logiciel propriétaire
Les utilisateurs extrémistes du libre me disent souvent «c’est propriétaire donc c’est de la merde». Je leur répond «l’avez-vous au moins essayé?», ils me répondent que non, mais vu que c’est propriétaire, c’est forcément nul.
Ce refus de voir que la «concurrence» existe, que certains produits sont parfois plus performants ou plus simples est nuisible pour l’évolution de l’informatique. Par exemple, le navigateur Chrome de Google a fait très mal à Mozilla Firefox. Pourquoi? Parce qu’il était plus léger, plus rapide, mieux conçu (possibilité d’appliquer un thème et une extension sans le relancer). Beaucoup de libristes ont refusé d’admettre que Chrome était meilleur, et pourquoi? Parce qu’il est développé par Google, et Google c’est le mal. Voilà comment on peut couper court à un débat en une ligne.
Heureusement Mozilla n’a pas réagit comme ça, ils ont pris en compte les défauts de leur navigateur (Firefox) et ont travaillé dur pour l’améliorer. Résultat: Firefox3.6 est aujourd’hui très rapide, léger, et permet d’appliquer des thèmes sans redémarrer (personas). Et l’arrivée de Firefox4 laisse présager encore beaucoup de progrès...
Le paradoxe du libre
Vouloir «exterminer» les logiciels propriétaires, et interdire aux gens de les utiliser, est paradoxal. On défend le libre en usant de peur et d’interdits.
Personnellement j’utilise des logiciels propriétaires, et je l’ai choisi, je ne suis pas prisonnier, je suis libre. Si demain j’apprenais que mon système d’exploitation Linux allait refuser de supporter les pilotes nvidia (via une technologie de blocage empêchant toute installation), sous prétexte qu’ils ne sont pas libres et que c’est pour mon bien, alors je retournerai sur Windows. Tout simplement parce qu’utiliser un système sur lequel mon ordinateur n’est pas fonctionnel, ça ne m’intéresse pas.
Si j’utilise Linux, c’est parce que pour mon usage j’obtiens un meilleur confort et de meilleures performances que sous Windows. Ext4 est mieux conçu que NTFS (antique), Nautilus est plus simple que Explorer, les menus de Gnome sont mieux rangés que ceux de Windows, les logiciels centralisent leur configuration dans un seul dossier alors que sur Windows elle est éparpillée et perdue dans le registre système, parce que Network-manager est mieux conçu que le gestionnaire de réseau de Windows, bref mon choix est uniquement technique.
Conclusion
Le «libre» n’est qu’une licence, il s’applique au logiciel et est un moyen pour l’améliorer, le promouvoir, l’accepter. Le libre n’est pas une idéologie ou un mode de vie. Ne tombons pas dans l’extrémiste qui est nuisible pour tout le monde.